Chaque matin, je me débarbouille la face avant de switcher au café à côté de chez nous. J’y arrive toujours assez zombie, mais je suis accueilli par le meilleur staff de la planète. Je suis toujours fasciné par ces gens fondamentalement sociaux. J’y vois une confiance en l’humain que je n’ai pas d’emblée.
T’sais, les expressions comme avoir « le soleil dans la voix ». Eux autres, ils ont ça dans le corps au complet. Et là, j’imagine les cyniques comme moi s’imaginer qu’ils le fakent. Mais moi, pour ces gens-là bien précis, j’y crois. J’en suis témoin chaque crime de matin. Qu’il fasse beau ou pas. Que ce soit le rush ou pas. Que la machine à espresso explose ou si St-Zotique au complet est en panne d’électricité.
En temps normal, ils ont à peu près un employé différent chaque jour de la semaine et pourtant, c’est pratiquement toujours la même qualité d’accueil. Bravo à l’employeur qui a réussi à spotter tout ce monde-là en pleine pénurie de main d’œuvre, parce que, de par ses choix, il a réussi à créer un microclimat formidable à cohabiter.
Comme je le disais, il y a toujours moyen de préserver son cynisme et de se dire que ces gens-là font tout ça que pour le pourboire. Perso, je préfère le voir comme un bonus mérité à leur comportement. En plus de rendre les journées de tout le monde plus agréables, ça leur fait plus d’argent à la fin de leur quart.
Je suis particulièrement admiratif parce que moi, je suis à l’autre opposé du spectre. Introverti. Une touche d’angoisse sociale. Je préfère souvent m’éviter les interactions, trop en train de m’imaginer ce qui pourrait arriver de croche. J’écoutais quelqu’un à la radio raconter que c’est une différence entre les gens de ville et les gens de région, mais même quand j’étais en région, je craignais tout autant ces interactions. Et t’aurais beau me promettre de gros pourboires, jamais je ne postulerais sur ce genre de poste. Sans compter que rien ne pourrait me garantir un sourire à 8h du matin.
Là-bas, je suis toujours concentré sur mes trucs, mais veut, veut pas, je suis témoin de 1000 situations qui traversent mes écouteurs. Parfois, dans ces cas-là, je m’imagine être à leur place. Comment va-t-elle gérer le sans-abri en déficit de santé mentale qui sent le diable? Comment va-t-il gérer ce client qui profite de sa bonhomie pour lui raconter sa semaine dans le détail en retardant toute la file de clients derrière? Ou cette vieille bourrue qui quitte lorsqu’elle apprend que pour 3.50$, elle n’a pas droit à la brique de pain aux bananes au complet.
Mais vous savez quoi? L’immense majorité de mes craintes ne s’avèrent jamais. Tout finit par bien se dérouler. C’est comme si ce microclimat était un peu magique. Et chaque fois que je stresse pour un truc qui ne s’avère pas, j’essaie de me faire une petite note mentale pour me rappeler que j’aurais freiné une autre interaction pour une crainte non-fondée.
Et tout ça ne se limite pas aux employés. L’autre jour, un client a payé pour la cliente précédente qui avait égaré sa carte bancaire. Bon, j’imagine que ça aidait que la femme dans le trouble soit particulièrement belle, mais si comme moi tu te laisses aller à ce genre de préjugé, je suis pas mal certain qu’on pourrait s’entendre pour préjuger que le gars généreux était particulièrement gai.
(Et alors que je prends une note pour ce moment, une cliente essaie de payer par reconnaissance faciale sur la machine Interac. Ahah!)
Sans avoir tenu de stats dans un tableau Excel, j’essaie toujours de comprendre ce que ces gens-là du staff ont en commun. Bon, ils sont clairement de nature extravertie pour la plupart. Il n’y a qu’un homme sur 5-6. Deux des filles semblent d’origine française. (Le genre d’immigration qui convaincrait les pires caquistes.) Mais bref, rien qui détonne tant. Juste du bon monde.
Au début, même avec mon estime de soi déficiente, j’ai été capable de me faire accroire que deux-trois me trouvaient assez sympa, mais ça ne prend que quelques instants pour réaliser que juste tout le monde est à leur goût.
Et là, Noël approche et comme quelques-unes semblent étudiantes à l’université, les changements s’en viennent. Le taux de roulement typique de petit café va s’en mêler et je ne sais pas encore si plus tard, avec du recul, j’aurai été témoin du Dream Team, mais en tout cas, j’essaierai de garder ce sentiment en tête : que peut-être est-il possible de recréer ce microclimat un peu partout.
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